Chez Shopify, l’usage de l’intelligence artificielle devient une condition de base pour faire partie de l’équipe. Tobi Lütke, le CEO, demande désormais à ses collaborateurs de justifier chaque nouveau poste en démontrant que l’IA ne peut pas le remplir.

L’IA au cœur du fonctionnement de Shopify

Le message est clair. Dans un mémo interne publié début avril, le fondateur de Shopify a exprimé sans détour sa nouvelle ligne de conduite : l’IA ne doit plus être en option, mais intégrée à chaque étape du travail quotidien.

L'article de Tobi Lukte publié sur X

Les équipes doivent non seulement utiliser des outils comme Copilot ou Claude, mais aussi réfléchir à leur place dans l’organisation avec une question en tête : et si une IA pouvait faire ça ?

Est-ce une évolution logique ? Un glissement inquiétant ? Peut-être un peu des deux.

Un cadre qui bouge vite. Très vite.

Dans le texte publié sur X (anciennement Twitter), Tobi Lütke parle d’un changement de paradigme. Selon lui, c’est la transition la plus rapide qu’il ait vue dans sa carrière. Et il ne s’agit plus de simples expérimentations. L’usage de l’IA sera intégré aux évaluations de performance, et chaque prototype produit par les équipes doit désormais passer par une phase IA dès le début.

Cette exigence s’applique à tout le monde, y compris les dirigeants. Un virage culturel fort, presque brutal, mais assumé.

IA générative : levier de productivité ou miroir aux alouettes ?

Personne ne doute de l’impact de certains outils. ChatGPT, Midjourney, Claude ou Copilot ont déjà montré qu’ils pouvaient générer du code, reformuler un plan marketing ou synthétiser un brief en quelques secondes. Shopify les a bien compris. Leurs développeurs, designers ou chefs de produit s’en servent désormais au quotidien.

Mais cette efficacité a un revers. Lütke affirme que certaines tâches autrefois jugées « trop complexes » sont désormais réalisables en un temps record. Il parle de gains de productivité multipliés par dix, voire cent.

Faut-il s’en réjouir ? Ou s’en méfier ?

Le fait qu’un outil permette théoriquement d’aller plus vite ne garantit ni la qualité, ni l’adéquation avec les besoins réels. Et quid de la créativité, de l’intuition ou du regard critique humain dans tout ça ? L’IA sait répéter, recombiner, mais peut-elle vraiment concevoir une stratégie marketing ambitieuse sans intervention humaine ?

Un filtre RH à travers la loupe IA

L’un des aspects les plus débattus du mémo concerne la gestion des ressources humaines. Avant de recruter, les équipes doivent démontrer que la tâche ne peut être confiée à une IA. Autrement dit, chaque poste doit désormais se justifier face à un algorithme.

D’un point de vue économique, la logique se tient. Dans un contexte où Shopify a réduit ses effectifs de 14 % en 2022, puis 20 % en 2023, l’idée de "faire plus avec moins" est dans l’air du temps.

Mais à long terme, quel impact sur le moral des équipes ? Sur le développement des compétences ? Et sur la capacité des entreprises à cultiver une vision originale ? Ce type de grille de lecture risque-t-il de rendre invisible tout ce que l’humain fait… mais que l’IA ne sait même pas modéliser ?

L’IA dans le SEO : inspiration ou dépendance ?

Dans le secteur du search marketing et du SEO, ces questions ne sont pas théoriques. Vous utilisez sans doute déjà GPT-4 pour générer des structures d’articles, analyser des logs ou faire de la reformulation rapide.

Mais combien d’entre vous prennent encore le temps de valider, corriger, ou simplement challenger ce que l’IA propose ? Et que se passe-t-il quand tout le monde utilise les mêmes prompts, les mêmes outils, les mêmes modèles ?

La valeur ajoutée se déplace. L’humain ne disparaît pas, mais son rôle évolue : il devient l’architecte, le superviseur, le relecteur final. Est-ce un progrès ? Ou une perte de sens pour ceux qui aimaient la phase de création brute ?

Et si on gardait un peu de marge de manœuvre ?

La position de Shopify a le mérite d’être claire. Elle pousse chacun à interroger ses pratiques, à tester, à apprendre. Mais elle interroge aussi sur l’équilibre entre innovation et réduction des moyens humains.

Peut-on vraiment poser la question "L’IA peut-elle faire ce travail à ma place ?", sans se demander aussi "Ce travail mérite-t-il d’être fait autrement, avec plus d’écoute, d’adaptation, ou de sens ?"

En SEO comme ailleurs, l’IA est là pour rester. Mais ce n’est pas elle qui décidera, à votre place, de ce que vous voulez construire.