Un petit mot pour discuter de deux affaires judiciaires dont la presse a pas mal parlé ces jours derniers :
- Affaire Olivier Martinez : le "Digg-like" Fuzz, créé par Eric Dupin, a été condamné le 27 Mars 2008, par le Tribunal de Grande Instance de Paris, à 1 000 Euros de dommages et intérêts et 1 500 Euros de participation aux frais de procédure pour atteinte à la vie privée de l'acteur Olivier Martinez (que, pour ma part, je ne connaissais pas avant cette affaire). "L'information ayant donné lieu au litige visait un couple de vedettes et avait été postée sans grand succès dans la catégorie « people » du site" comme l'indique aujourd'hui le site Fuzz, hors ligne depuis que la sentence est tombée.
L'affaire est effectivement assez grave : le site Fuzz a, à un moment donné, proposé un lien - posté par l'un de ses visiteurs - renvoyant vers un blog qui évoquait une éventuelle liaison entre Olivier Martinez et la chanteuse australienne Kylie Minogue. Du coup, Fuzz et une trentaine d'autres sites ont été attaqués par l'acteur pour un motif identique. Pour qui connait le fonctionnement des "Digg-like", être accusé pour la création d'un tel lien, c'est assez inimaginable, et pourtant...
Qu'une source d'information soit condamnée ou villipendée pour atteinte à la vie privée, cela ne me choque pas, chacun a le droit de veiller à sa vie privée. Mais être poursuivi et, pire encore, condmané pour la mise en place d'un lien, j'ai plus de mal à le concevoir... Il en est, dans ce cas, de même alors avec les moteurs de recherche, qui stockent et diffusent l'info... Google, Yahoo! et Live ont-ils été attaqués ?
C'est l'aspect contributif du Web 2.0 qui est ici remis en question et, par la même occasion, la justice repart 10 ans en arrière sur l'Internet, domaine qu'elle n'a jamais vraiment compris, hélas... Bref, on plonge en pleine préhistoire par pure méconnaissance (pour ne pas parler d'incompétence). C'est bien dommage, car sur le simple plan du bon sens, cette affaire est clairement une hérésie...
- Affaire Thélès : le blog BlogNot de Marc Autret a été mis en demeure par les éditions Thélès pour un billet publié sur cette maison d'édition. L'une des raisons de cette accusation pour "contrefaçon" ? Ce billet apparaît en 3ème position sur Google pour la requête Theles, juste après les liens pointant vers le site de l'éditeur, comme le montre cette copie d'écran :
Pourtant, l'article incriminé date de juin 2007 et le délai de prescription pour une procédure diffamation est de trois mois, donc il est difficile de comprendre le pourquoi de cette démarche, obligatoirement vouée à l'échec. De plus, les avocats reprochent au blogueur d'utiliser le mot clé "Theles" dans la balise meta "keywords" (qui n'est pas lue par Google) et dans des attributs "alt" d'images (qui ont un poids très faible dans l'algorithme de pertinence du moteur) comme l'indique ce courrier repris sur le blog de Marc Autret :
Si l'article incriminé est bien positionné sur Google, ce n'est certainement pas grâce à ses balises meta ni aux attributs "alt" des images qu'il utilise, contrairement à ce que dit le courrier. Là encore, on parle du référencement d'il y a 10 ans, les choses ont évolué depuis... Encore une fois, la méconnaissance de l'Internet amène certains à des actions difficiles à comprendre, avec du recul...
C'est d'autant plus incompréhensible que, depuis quelques jours, des milliers de personnes ont lu cet article qui parle de façon peu élogieuse de la maison d'édition en question, alors qu'il serait passé bien plus inaperçu si aucune démarche n'avait été faite. De plus, avec les dizaines de nouveaux liens qui pointent vers l'article, le post a considérablement renforcé son référencement et n'est pas près d'être délogé... Tout comme tout le monde sait maintenant qu'Olivier Martinez a peut-être eu une relation avec Kylie Minogue. Tout faux, quoi...
Comment se faire une mauvaise publicité à peu de frais (d'avocat), en quelque sorte... Moi, je vous le dis, le monde marche sur la tête en ce moment...
Une fois plus c penible la decision de la justice dans une monde qui comprends pas.
De toute facon, y beaucoup des arguments a poser avant la decition du tribunal.
Quelques comme les déjà vus sur le propre fonctionnement des moteurs de recherche, la libre distribution de l’info ou aussi la residence des serveurs ou est hebergé le site.
Tout ca, fait que la justice francaise aille pas de raison et non plus de droit pour mettre une amende comme ça.
méme si la plainte de Mr martinez est un peu « tirée par les cheveux » toute cette affaire vient mettre un avant tout ce que internet a de lamentable depuis dejá quelques temps
d’abord pour quel diable la loi ne peut telle pas s’appliquer au web ?? les bloguers et en général tout le monde peut publier (ou la plus part du temps répéter)très facilement tout et n’importe quoi et parce que c’est sur l’web la loi ne doit pas s’appliquer ???
ensuite l’web collaboration porté a son paradoxe n’est pas mal non plus a visiter les blogues ou encore avec la vidéo youtube il est très claire que la plus part des gens au lieu d’avoir le geste de jeter a la poubelle a celui de poster sur son blog ou d’envoyer sur youtube il est très sain de savoir que on peut être tenu pour responsable de se que l’on peu publier ou relayer
y compris bien sur les googles et yahoo compagnie (que dans d’autres comptés sont prés a bloquer des sites ou livrer des utilisateurs de messageries aux polices d’etat)
La vérité, c’est que tout lecteur assidu ou même occasionnel de la presse people savait pour Olivier et Kylie. Ils sont même séparés depuis un moment et ont la garde alternée de leur chien (Voici fin 2007). Vraiment idiot de se faire condamner pour une info qui n’en est pas une.
NB : on peut être référenceur et pro de la presse people 😉
A priori dans le cas de Fuzz, cela ne peut pas faire jurisprudence, car le jugement a été fait en référé. Par contre cela pose encore le problème de la limite entre éditeur et hébergeur. Quand est-ce qu’un site peut-être responsable du contenu qu’il affiche ?
Si on pousse le raisonnement à l’extrême, les moteurs de recherche pourraient être constamment attaqués, les sites de forum pourraient être attaqués si un utilisateur prend comme avatar une image et un nom ressemblant à une personnalité.
Il faut que la loi clarifie ceci et que les juges soient formés afin qu’ils aient une bonne compréhension de l’internet, ce qui n’est pas encore le cas pour tous ceux qui sont amenés à traiter ces cas.
Comme vous l’illustrez dans votre billet, sur le principe, deux choses m’échappent. La première, concernant Fuzz, est-ce que Google, ou encore Yahoo ont également été attaqués ? Après tout, au niveau de leurs actus, l’info (si info il y a…) a probablement été reprise d’une manière ou d’une autre non ? (il suffit de faire une recherche avec les noms des deux « stars » concernées pour avoir la réponse…) Ne serait-ce pas une erreur de la part des avocats qui se seraient laissés emporter par leur élan et n’auraient pas fait attention à la structure du site incriminé ? (C’est assez classique, quant on se plante, on ne veut pas toujours le reconnaître, et on va quand même jusqu’au bout, quitte à être ridicule…).
En ce qui concerne les éditions Thélès, je ne vois pas en quoi le site concerné est responsable de son positionnement sur Google ?!? Certes, un référencement plus ou moins optimisé permet d’apparaître plus ou moins bien, mais on ne choisit pas la place à laquelle on arrive au niveau des résultats, à la limite, si la personne avait payé au niveau d’Adsens, je comprendrais (et encore…) mais là… si cette page était arrivée plus loin, le résultat aurait été différent ? Dans ce cas, ne serait-ce pas au niveau de Google qu’il faudrait intervenir ? Visiblement, on ne lui reproche pas, en soit, le contenu de sa page, mais bien sa position d’arrivée et l’utilisation d’un méta-tag, mais, dans ce cas là, il y a beaucoup de sites qui devraient fermer leurs portes, les méta sont truffés de noms de marques, de produits ou de personne, bon nombres d’entre eux sont même générés automatiquement avec certains CMS en fonction des répétitions de mots clefs… Cela veut dire qu’un jour, quelqu’un pourrait attaquer 60 millions de consommateurs ou le canard sous prétexte qu’un numéro particulièrement critique, sur un sujet donné, serait vendu prêt des caisses des papeteries ? Le journal ne serait alors pas attaqué pour son contenu, mais bien pour son positionnement… A l’inverse, tout site arrivant haut dans Google sur un sujet donné serait susceptible de se faire attaquer par une marque ? C’est la porte ouverte à du grand n’importe quoi là…
Pour Fuzz:
Je suis d accord. Si en appel, la situation est confirme, la justice a du boulot devant elle.
Vous imaginez l affaire Sarkozy et le fameux SMS. Combien de sites de grandes renommes avaient pose un lien vers le Nouvel obs ? (figaro, yahoo, VSD, Match…)
Pour Theles: Google devrait etre condamne dans ce cas.
L’affaire Fuzz devrait être ramenée en appel à de plus justes proportions, tout simplement parce qu’elle reviendrait à imposer la modération a priori.
Or cette modération a priori est justement la négation de la liberté d’expression du web; compréhensible sur un blog d’homme public pour éviter le dérapage des commentaires, impensable sur un forum où ‘a posteriori’ est la règle, le digg-like se trouve entre deux chaises mais penche du côté des forums, sous peine de rendre la tâche impossible à l’administrateur.
L’argumentation de l’avocat dans le deuxième cas est risible, c’est lui qui se ridiculise en essayant d’étaler la science qu’il n’a pas.
Il reste à l’auteur du billet à se conformer à la lettre aux injonctions en supprimant les mots-clés des balises et à le faire constater.
Le plaignant n’aura plus alors qu’à se plaindre à Google du classement (sans doute peu changé) d’un article critique à son encontre.
l’affaire des mots-clés est quand même intéressante: quand l’UMP avait acheté les mots-clés « Ségolène Royal » et « Jack Lang » comme adwords, le deuxième avait réussi à faire annuler l’opération « par courtoisie »; mais si « Truc » et « Editions Truc » sont réservés, un bibliothécaire soucieux d’indexation doit-il demander l’autorisation avant de les utiliser comme critères de recherche? La jurisprudence constante est évidemment non.
Et question à l’avocat qui fait le malin: les balises meta et alt ne sont-elles pas ce travail de bibliothécaire pour une indexation correcte sur le web? L’article de l’aveu même de cet homme de loi a pour sujet Truc et les éditions Truc, le classement par Google est donc légitime et les mots-clés pertinents.
C’est sur la concurrence déloyale ou le parasitisme qu’il faut attaquer si l’auteur est effectivement partie prenante à une maison d’édition concurrente, pas sur l’utilisation de mots-clés dans des balises peu utiles à un algorithme d’ailleurs non public.
Bon pour Fuzz et al. ce n’est qu’une condamnation en première instance. Il est fort probable que le jugement soit contredit en appel.
Si le jugement était confirmé en appel, là nous pourrions dire que la justice marche sur la tête. Pas avant…
@ martino: Pour l’affaire Fuzz, il a spontanément abandonné cette idée « vente t-shirt/amende ».
Voir son message du 29 mars où il dit:
« Suite à ma proposition de mettre en place une vente de t-shirts, j’ai revu ma position afin que ma démarche soit parfaitement cohérente et dénuée d’ambiguïté.
Par conséquent je mettrai en place une vente de t-shirts uniquement dans le cas où je déciderais de faire appel de la condamnation.
Si je ne fais pas appel, je confirme ce que j’ai déjà dit : j’assumerai seul les conséquences financières de la décision de justice qui me frappe. »
On ne sait toujours pas s’il a décidé de faire appel ou non.
En écho à mon premier commentaire, j’en profite pour signaler une analyse plus « juridique » du pourquoi ce jugement m’apparaît critiquable.
JML
Bonjour
Merci pour vos commentaires.
Juste une réponse @ Martino :
– Fuzz : je ne parle pas dans mon post de la vente de tee-shirts (votre commentaire n’en reste pas moins pertinent à ce sujet) mais je réagis plutot sur le fond : condamner un « digg-like » pour avoir proposé un lien vers un article du web, c’est avouer qu’on n’a pas pris le temps de comprendre comment fonctionnaient ces outils. Et c’est dommage selon moi…
– Theles : cela ne me choquerait pas que la maison d’édition attaque l’auteur de l’article en question pour avoir « caché » son nom dans des balises meta ou autres, à partir du moment où c’est une marque déposée. Il y a pas mal d’antécédents. En revanche, dire que c’est grâce à ça que la page est 3ème sur Google, c’est à la limite du risible… Là encore, les plaignants n’ont pas pris le temps de comprendre comment fonctionnaient les moteurs en 2008.
Je trouve grave qu’on accuse des gens sans prendre le temps de comprendre le pourquoi du comment.
Les deux « affaires » sont finalement assez proches… Et alarmantes selon moi…
Bien cordialement
Je suis juriste IRL et j’ai envie de me faire un peu l’avocat du diable. Pour l’affaire Fuzz, je trouve que proposer de vendre des t-shirts pour que les gens aident à payer son amende est très franchement limite (Article 40 loi 29 juillet 1881 Presse), comme le rappelle quelqu’un sur les commentaires du site. Mais bon je comprends un peu les réactions, car il ne faut pas que Fuzz s’éteigne pour une bête histoire de lien, et que, par ailleurs, cela remet en question les fondements même du Web. Il faut faire appel.
Pour Thélès je vois mal le problème, Marc Autret (d’après ce que j’en vois dans google) se trouverait être l’auteur d’un guide critiquant les maisons d’édition, publié par une maison d’édition concurrente… Si en plus le concerné utilise les mots clefs pour mieux vendre son livre, il est normal qu’il soit attaqué en justice.
La « justice » en revient à ses errements caractérisés quand il s’agit d’Internet : de Valentin Lacambre à l’affaire Fuzz, ce n’est qu’une longue traînée de tâtonnements malheureux – et coûteux pour les condamnés – qu’on appelle jurisprudence…
JML