Vous en avez peut-être entendu parler, l'outil Google News a subi les foudres de la justice belge ce mois-ci. En effet, le tribunal de première instance de Bruxelles a condamné le moteur de recherche à retirer de son index web et de son service Google News toutes les pages issues des sites affiliés à l'organisme Copiepresse, qui énonce une "Charte belge d'utilisation des publications de presse". Ce cas fait suite à de multiples affaires du même type en France (AFP, association Geste, etc.) et dans d'autres pays dont les Etats-Unis.
Je voudrais ici soulever une discussion à ce sujet car, malgré mes efforts, j'ai un peu de mal à comprendre la situation donc si quelqu'un peut m'aider celà m'arrangerait bien...
En effet, le site Google News :
- Ne fait que citer les articles qu'il indexe (titre + chapo) sans les recopier entièrement.
- Ne gagne pas d'argent (bien que, de façon évidente, le potentiel est énorme à moyen terme à ce sujet).
- Apporte un trafic énorme aux sites qu'il référence. Car au bout du compte, l'internaute qui utilise Google News va visiter les sites d'informations référencés...
D'autre part, il est très simple, grâce à un fichier robots.txt en bonne et dûe forme ou tout simplement en contactant directement Google, de demander à ce que les dépêches d'actualité d'un site ne soient pas présentes et trouvables sur cet outil.
Donc, de façon peut-être un peu naïve et je m'en excuse, je me demande pourquoi la presse met en place une procédure judiciaire contre le moteur de recherche alors que les problèmes éventuels (s'ils existent) pourraient être résolus en quelques minutes... J'en perds mon latin et ne trouve pas d'explication plausible (sauf pour les photos, dont le cas me semble effectivement problématique, car il ne s'agit plus là d'extraits mais de photos complètes)...
Si l'on suit à la lettre le raisonnement qui mène aux procès en cours, Google et ses confrères devraient demander une autorisation écrite à chaque site web de la Toile pour indexer ses pages dans le cadre de son moteur de recherche sur le Web. Il s'agit effectivement d'une problématique identique et même pire sur le Web puisque dans ce cas, c'est le contenu entier de la page qui est mis en cache et non plus un "extract"... La tâche est bien entendu impossible et ce serait donc clairement dans ce cas la mort des moteurs de recherche si ce type de jurisprudence était jugé...
J'avoue être un peu absourdi par l'attitude des médias presse "traditionnels" devant l'arrivée de ce type d'outils en ligne. Cela me fait penser à la victimisation menée par les majors du disque face au phénomène du Peer to Peer : "les vilains pirates y font rien qu'à nous embêter en téléchargeant illégalement nos joiles musiques" et tout ça sans rien tenter de constructif pour améliorer la situation... Je ne pense pas que ce soit en pleurant ou en attaquant qui que ce soit en justice que l'on arrive à avancer, mais plutôt en proposant des alternatives innovantes, efficaces et utiles pour tous. Or, que voit-on arriver à ce niveau ? Ben, pas grand chose... Tout le monde se plaint et personne ne fait rien... Mais encore une fois, je me trompe peut-être et je suis prêt à entendre une autre version / explication de cette problématique, avec grand plaisir. Moi, je veux juste comprendre... Et pour le moment, j'avoue que je ne comprends pas grand chose... Qui veut éclairer ma lanterne ?
Pour le cas où ça puisse contribuer modestement au débat, je me permet de glisser une réflexion béotienne envoyée tout à l’heure à un copain « pro » de la DRM (et dont j’ajoute la partie de la réponse qui ne permet pas de l’identifier
Moi :
« J’ai lu récemment, je sais plus où, qu’il y aurait une remise en cause de l’idée même de DRM. Serait-ce que les bras s’apprêtent à s’abaisser face au fabuleux décalage entre téléchargement légal et illégal ?
Et que l’on va aller à vers un changement de business modèle que je sens poindre ? Suis très attentif à ce truc qui me semble tout sauf anecdotique. Parce que, tenant toujours que nos sociétés et le capitalisme en général ne peuvent renoncer à la propriété qui les fonde. Mais faisant aussi le constat que le réel semble bel et bien donner raison à ton pessimiste quant à la possibilité d’endiguer le phénomène… faut bien que ça débouche vers du nouveau !
Et comme je ne partage pas du tout ton avis sur le fait que les majors sont rien que des pleureuses mais qu’en fait… Tout simplement parce que, la peau de chagrin des pleureuses ne peut que finir que comme finissent toutes les peaux de chagrins. Aussi, élargissant la gamberge à l’info, et aux canards dont le lectorat fond comme neige au soleil… je pense que l’on va inéluctablement vers une « nouveauté » vieille comme… la radio !
C’est la pub qui va tout payer. Et à son ombre se développera du direct producteur – consommateur. Via de la vente sur le net à des gens qui voudront bien payer par conviction militante, pour la fraîcheur, gagner du temps, ne pas se casser la tête, la sécurité… des produits à diffusion confidentielle ou qui ne se consomment qu’en live (concert, oeuvres uniques, conférence, séries limitées, artisanat…).
Lui :
La Radio ! Exactement; je me faisais la mm réflexion. (…) Les Majors sont des pleureuses pcq à trop faire le forcing sur des recettes inadaptées, elles ont encore plus remonté le public contre elles. Pas une seule initiative montrant un tout petit peu d’imagination, non; ancrées dans leurs certitudes : du péage, du radar, de la flicaille. Ben oui, mais ça marche pas. Seul truc qui marcherait: le contrôle chez les ISP; pas possible pour l’instant. Le risque de levée de boucliers serait trop grand. Ce sera possible lorsque 98% des français/européens seront connectés au haut débit. Plus besoin de DRM ni de protection à la con.
Moi de nouveau :
Juste, et même que sans doute du peu au jus parce qu’il grimpe, il grimpe le taux d’équipement ! Et m’est avis que les majors, ou de purs financiers, se tiennent déjà en embuscade pour faire les concentrations qui leur permettront de tenir autour d’une table et de se mettre d’accord sur les textes à faire voter dans tous les pays « libres ».
Bonjour,
Je vous propose quelques pistes d’analyses ici, sans prétendre tout expliquer :
http://grds04.ebsi.umontreal.ca/jms/index.php/2006/09/22/79-quel-est-le-modele-d-affaires-de-google-news
Cela va à l’encontre de la modernité et une méconnaissance totale du Web, soupoudré d’hypocrisie.
Les rss foisonnent et les journaux ne sont pas en reste, ils les utilisent, et les diffusent largement. Ils doivent y trouver leur compte ?
Je ne pense pas que la décision de retirer le contenu des plaignants de Google news soit une bonne affaire pour eux.
Au lieu de travailler ensemble, ils se coupent une partie du public. L’info elle, est toujours existante, elle est simplement reprise par d’autres acteurs qui eux ont compris l’utilité des moteurs type Google News.
Mais d’un autre coté c’est le Géant Google et ca aiguise les appétits …
Bien que, dans le cas de l’info, il ne s’agît pas d’un bien de consommation tangible, il me semble que la logique Producteur / Distributeur devrait être appliquée au problème.
Aujourd’hui les grandes enseignes de la « grande distribution » imposent leur loi aux producteurs pour la simple raison que leur maîtrise totale du contact final avec le consommateur déséquilibre le rapport de force en leur faveur. L’arme absolue des Distributeurs ? Le dé-référencement..
Le danger que Google puisse un jour dicter aux médias traditionnels leur contenu suivant la sacro-sainte loi du Marketing (donne au consommateur ce qu’il attend) est réel. Nous n’en sommes pas là et il n’est pas question une seconde de parler de conspiration. Mais nous pouvons dors et déjà nous poser la question si le ranking d’un titre dans Google News n’influencera pas à terme les journaux à revoir leur copie, voire même à changer de ligne éditoriale.. Le jour où Google tombera dans des mains moins scrupuleuse que celles dans lesquelles il est aujourd’hui, le grand public des internautes (qui n’en doutons pas constituera une majorité d’ici 10 à 20 ans) habitué qu’il sera à utiliser Google News comme il utilise aujourd’hui prioritairement Google, ce public là se posera-t-il la question de savoir si des intérêts particuliers se cachent derrière le référencement de Google News ? J’en doute..
Arnaud Talaia
Bonjour,
apparemment personne n’a écouté la radio. Je vais donc rapporter ce que j’y ai entendu.
Certains media belges râlent car Google les dirige directement sur une page du site sans passer par les pubs d’entrée ce qui met en danger l’économie du site en question.
Le speaker indiquait aussi que, si tout le monde fait pareil, les moteurs vont devoir payer les sites indexés ce qui annoncerait la fin des moteurs gratuits.
Voilà
Tout d’abord l’état de l’art de la jurisprudence de la revue de presse telle qu’on l’enseigne dans les facs de droit:
http://www.adbs.fr/uploads/journees/564_fr.php
http://www.droitdunet.fr/par_profils/lecture.phtml?type=profil_entreprise&it=8&id=29
La droit de « revue de presse » ne peut donc être revendiqué que par un « organe de presse ». Or le résultat d’une requête sur Google News s’apparente bien à une revue de presse.
Google est certainement beaucoup de choses, mais assurément pas un organe de presse; d’ailleurs s’il revendique ce statut il devient directement concurrent des plaignants, qui auront beau jeu de plaider la concurrence déloyale car quelle que soit sa qualité ils créent effectivement un contenu.
Le fichier robots.txt n’a aucune existence ni définition juridique (sans parler de sa connaissance par les patrons de presse ou les juges); son utilisation revient à couper la publication de toute indexation et visibilité sur le web, et dans ces temps d’incertitude financière et existentielle des organes de presse c’est une décision difficile à prendre.
La structure « pyramidale » des articles de presse adoptée quasi-universellement maintenant trouve ici son revers: l’essentiel est dans le titre, du coup le titre devient la valeur ajoutée. Le grand panneau France Dimanche devant votre marchand de journaux était le google de l’époque: plus besoin d’acheter le journal, vous savez tout ce qu’il y a à savoir.
Un forum qui traite de sujets d’actualité doit s’associer à un organe de presse pour alimenter légalement la discussion (d’où la création de forums comme diversification choisie par Libé et d’autres); le sujet est connu, débattu et tend à se moraliser de ce point de vue, alors pourquoi Google y échapperait-il? La presse défend sa survie, Google est riche, l’argument de l’obligation alimentaire ne serait-il plus recevable?
D’un autre côté la mutation est surtout celle d’une économie « par l’amont »: le fabricant ou l’éditeur propose un produit ou des infos, le client achète ce qui est sur le marché; à une structure « par l’aval »: le consommateur dicte sa demande et choisit dans l’offre supposée abondante et variée.
La mutation est derrière nous pour les voitures ou les ordinateurs par exemple: une Renault ou un Dell porte sur la chaîne d’assemblage l’étiquette avec le nom de son futur propriétaire: l’objet est fabriqué par l’aval.
Pour l’information n’oublions pas que ce modèle économique suppose une offre abondante et diverse: le client paiera sa voiture in fine, si le consommateur d’infos s’imagine qu’il ne paiera plus son journal, il ne lira que ce qu’on voudra lui proposer.
Ce que je paie dans ma boîte aux lettres, c’est mes journaux, c’est de l’info; ce que je paie pas, c’est de la pub; si j’arrête de payer il n’y a plus que de la pub; les journaux gratuits ou Wikipedia seraient un contre-exemple, mais l’affaire est consommée dans certains domaines: tapez la référence d’un appareil électroménager dans un moteur de recherche, la proportion d’info dans la pub tend vers 0.
Reste le côté positif de la chose: la revue de presse à la mode Google donne le même statut au journal de quartier bien indexé qu’au titre dirigé par un marchand d’armes célèbre, du moins tant que l’auteur de la revue de presse reste impartial, ce qui est un autre débat.
Bonjour, j’en parle sur mon blog et je poursuis cette discussion ici.
On est en effet tous très contents d’utiliser Google News et il y très probablement un grand nombre de relations gagnant-gagnant entre les éditeurs et Google.
Celà étant dit, le préalable d’une autorisation serait un réajustement du rapport de pouvoir entre les fournisseurs de services (Google, tout le Web dit-2.0, etc.) et ceux de contenu. Si ce n’est une certaine arrogance, Google risque de devoir payer ou rétribuer d’une manière ou d’une autre ces secteurs à même de fournir les contenus de qualité (travail rémunéré, métier, profesionnels, etc.) qui manquent déjà cruellement au Tout 2.0..
Je précise que je ne suis pas un pro l’un ni pro l’autre (le tout propriétaire et le tout gratuit). Mais qui a jamais promis à un moteur de recherche qu’il pourrait éternellement (demain) copier, indexer, référencer et monétiser un contenu sur lequel il ne détient aucun droit, aucune autorisation ?
Pour répondre à Olivier A. :
On pourrait dire la même chose pour les moteurs de recherche web : certains sites (Microsoft, IBM, Apple par exemple) se doivent d’être présents dans l’index des moteurs. Pourquoi ces sociétés ne demanderaient-elles pas une rétribution contre cette indexation ? C’est à mon sens une problématique identique, non ?
Why not, il ne restera qu’à acheter des tas de liens sponsorisés. Mais que le premier de ces moteurs daigne commencer à retirer sans raison MS, IBM ou Apple, pour voir.
– Procès
– scandales, buzz, effets de crise à gérer
– Pertinence de l’index remise en cause par les moteurs concurrents et une partie des internautes pris à parti
– re-scandale, rebuzz, etc.
Donc dans ce rapport de force les éditeurs souhaitent reprendre un peu d’air sur un point légitime, tout le pouvoir aux services Web (Google, etc.) je ne suis pas forcément pour non plus. Le business étant pragmatique nul doute que des relations et des accords raisonnables soient trouvés.
c’est vrai que cette solution de repli est surprenante et caractéristique d’une société qui n’évolue pas aussi vite que son modèle économique.
les grosses majors et à mon avs encore plus la presse écrite, ne se commencent à se rendre compte que maintenant qu’il y a une véritable révolution dans la consommation de l’information et du loisir.
Alors le procès, qui était le mode de défense traditionnel, reste selon moi le premier réflexe.
Les plus intelligents (les plus petits donc plus créatifs?) essaient au contraire de tirer partie de ces changements comportementaux en proposant des nouveaux modèles ou des nouvelles solutions sur ces modèles existant.
Le modèle économique de demain reste à inventer…
Un robots.txt, ça prend quelques secondes à mettre en place.
Le fait même que la justice belge ait condamné Google témoigne soit d’une profonde méconnaissance du fonctionnement d’un moteur de recherche (et donc du fond technique du dossier) et d’une part certaine de mauvaise foi de la part du plaignant.
A noter également que quand un site fait un procès à Google, en général son trafic explose (Cf les affaires Perfect 10 et Kinderstart)
> Il n’est pas scandaleux de vouloir le monnayer même si on peut considérer ce choix comme stupide.
On pourrait dire la même chose pour les moteurs de recherche web : certains sites (Microsoft, IBM, Apple par exemple) se doivent d’être présents dans l’index des moteurs. Pourquoi ces sociétés ne demanderaient-elles pas une rétribution contre cette indexation ? C’est à mon sens une problématique identique, non ?
Cordialement
Attention le choix d’attaquer Google est celui d’une minorité qui n’est plus représentative. Le retard est certain mais il se rattrape.
Il faut être lucide: les agrégateurs de type Google news ne seraient rien s’ils ne référencaient pas des titres de presse et des sources d’informations professionnelles. Il n’est pas scandaleux de vouloir le monnayer même si on peut considérer ce choix comme stupide.
Quant à la question de la qualité, c’est bien là que devraient se concentrer les efforts.
Bonjour,
Tout d’abord, j’oserais dire que la presse a plus qu’un train de retard quant à l’esprit web. La plupart des titres seront donc dans l’impossibilité de tirer profit de cette nouvelle situation. Je compléterais en disant que l’on a peur de ce que l’on ne comprend pas.
La presse accuse une faible et constante érosion de ses annonceurs et abonnés. Difficile d’être serein quand vous savez qu’à plus ou moins longue échéance, vous allez dans le mur.
Je terminerais en disant que d’un côté, les lecteurs lisent moins. J’entends par là que la plupart ne se fatiguent plus à lire un article en entier. Titre et chapo suffisent (lire un résumé présenté par Google news suffirait ?).
Et que d’un autre côté, la qualité journalistique baisse avec des sujets bien souvent traités moins en profondeurs. Parlons de la presse régionale dont la plupart des articles locaux sont à J+5 (parution cinq jours après l’événement, cela ne concerne bien évidement pas les « Faits divers »). Cela, pour insister sur la baisse de qualité, de réactivité et de sérieux.
Pas question pour moi de prendre la défense de cette stratégie mais j’ai essayé sur mon blog d’expliquer que la situation n’était pas aussi simple qu’on le pense.
Maintenant il est facile de comprendre qu’une société de gestion des droits d’auteurs soit hostile à la libre diffusion des flux d’actualité. C’est une affaire de sous, point barre.
Evidemment question stratégie ce n’est pas brillant…